Les paroles s’envolent, les écrits restent

Par deux fois en 2010, l’émission de radio « Les Chroniques de la Vieille Europe » invitait le Polémarque à s’exprimer sur un sujet de son choix. Les paroles s’envolent, les écrits restent…

L. Schang

 

Bonsoir Messieurs, bonsoir à tous.

Pour cette première chronique dédiée aux « choses de la guerre », j’ai décidé d’inviter nos auditeurs à me suivre chez le buraliste du coin.

C’est que, depuis quelques années, à côté des magazines de charme, des journaux féminins ou du rayon mots croisés, on assiste dans les maisons de la presse à un phénomène grandissant : je veux parler de la prolifération des revues de « fana-mili », traduisez fanatiques du militaria. À ne pas confondre avec son collègue, le « warrior », qui lui dévore tout ce qui touche aux conflits en cours, et plus encore les armements et matériels utilisés que les opérations en elles-mêmes.

On pourra juger anecdotique cette presse spécialisée, et pourtant : si nos peuples sont devenus aussi pacifiques qu’un moine bouddhiste sous respiration artificielle, au point de confier leurs destins à d’autres qu’eux, la profusion de ces revues soulignent combien, pour paraphraser le poète lü Tai-Luc N’guyen, la nostalgie des Français pour les gloires militaires du passé est permanente. J’insiste là-dessus, parce que nulle part chez nos voisins européens on ne retrouve un tel engouement dans l’édition.

Ceux qui, comme moi, s’ennuyèrent ferme au collège dans les années 80 se souviendront peut-être de cette revue hebdomadaire au titre emblématique : « Troupes d’élite ». Codirigée par le regretté Jean Mabire, elle présentait l’intérêt de nous ouvrir, au-delà des grands classiques de la Seconde Guerre mondiale, à des conflits moins connus : la Rhodésie, l’Angola, la Malaisie – le Liban. Et toujours servis par des plumes au talent confirmé. Après, il y avait « Militaria Magazine », grâce à quoi, c’est sûr, comme en 70 pas un bouton de guêtres ne risquait de manquer aux uniformes des collectionneurs. Mais cela, c’était avant que les faux en provenance des pays de l’Est ne submergent le marché.

Eh bien, « Militaria Magazine » existe toujours, contrairement à « Troupes d’élite », la revue en est même à son 298e numéro, avec au programme l’équipement de la gendarmerie en 1914 (ça ne s’invente pas), la tenue de jungle du soldat australien en 41 et les accessoires du mythique fusil allemand Mauser.

Ce n’est pas la seule. Il y a aussi « 39/45 Magazine », autre vénérable publication, qui sort son 278e numéro en mai. Pour 6 euros (le prix moyen pour ce genre de revue), le lecteur saura tout sur l’as américain aux 21 victoires Dominic Salvatore Gentile, sur les uniformes de la Kriegsmarine et accessoirement sur François Mitterrand résistant.

Je vous conseille aussi la série des « Champs de bataille », peut-être le bimestriel qui occupe le plus de place chez les kiosquiers, avec pas moins de quatre publications différentes à chaque fois : « Champs de bataille », « Champs de bataille thématique », « Champs de bataille Deuxième Guerre mondiale » et « Champs de bataille Deuxième Guerre mondiale thématique ». Si ce mois-ci vous vous interrogez sur ce qui s’est passé entre 1846 et 1848 au Mexique, ou sur les tenants et aboutissants de la guerre des Malouines, « Champs de bataille » est pour vous. Si par contre, c’est l’histoire de la cavalerie qui vous intéresse, avec ses grandes dates, son évolution dans le temps, alors c’est « Champs de bataille thématique » qu’il vous faut. Les autres, ceux qui ne jurent que par la tactique des blindés de l’US Army de 40 à 45, se rabattront sur le dernier « Champs de bataille Deuxième Guerre mondiale thématique ».

Et puis, il y a aussi « Axe et Alliés », sous-titré « 1939-1945 Un monde en guerre » – difficile de faire plus explicite -, 20 numéros sans les hors série. Plus « Axe » que « Alliés » à ce qu’il m’a semblé, mais peut-être mon regard est-il biaisé. À noter dans cette revue un souci indéniable de la qualité d’écriture, comme l’attestent les dossiers signés de l’écrivain militaire et historien suisse Jean-Jacques Langendorf.

Celle-ci aussi, que j’aime bien : « GBM », pour « Histoires de Guerre, Blindés et Matériels », entièrement consacrée à l’armée française des deux guerres mondiales, je dirais même à la réhabilitation de celle-ci en ce qui concerne 39-40.

Autre publication, le « Deuxième Guerre mondiale » de ce mois-ci consacre son dossier aux prémices de la Guerre froide. Bon…

« Ligne de front » (joli titre je trouve), sans surprise, revient quant à elle, avec un luxe d’illustrations (une constante de ces revues) sur la bataille de France en mai-juin 40.

Je passe sur tous les hors série. Last but not least, je terminerai ma revue de presse en citant mon coup de cœur du mois, « TnT », « Trucks n’ Tanks », qui, oublions le dossier central consacré à la bataille de Stalingrad – un marronnier -, nous introduit dans le monde fascinant, et aussi repoussant de laideur, des chars amphibies japonais de la Deuxième Guerre mondiale. Pour vous donner une idée, on les croirait copiés sur les poissons aveugles des grands fonds marins.

Je m’arrête là. Sachant que je n’ai pas fait le tour complet et que je, si je les achetais tous, je devrais déjà à mon buraliste la coquette somme de soixante euros…