Le Gargantua suisse

Juillet 2006, l’offensive israélienne au Sud Liban piétinait. Des chars contre des terroristes, quelle brillante idée l’état-major de l’IDF avait eu là ! Des aviateurs doublés d’ingénieurs, ceci explique sans doute cela. De retour de Paris, Jean-Jacques Langendorf faisait son entrée dans la vieille cité militaire de Metz. Moins triomphale que l’entrée du roi de France Henri II en 1552 peinte par Auguste Migette, l’écrivain suisse s’était contenté de descendre à la gare, cette gare monumentale jadis si maltraitée par Maurice Barrès qui la comparait à une Walkyrie casquée, avachie de tout son long dans son armure de zinc. La municipalité n’ayant pas prévu de comité d’accueil, nous prîmes sans nous attarder la route du champ de bataille de Gravelotte-Saint-Privat.

Jean-Jacques, comme Jean-Jacques Rousseau, « lamentable figure dont j’ai le déshonneur de partager le prénom », n’était déjà plus tout à fait le piquier suisse élancé et nerveux de sa jeunesse. De là à se comparer toutefois au maréchal Bazaine, le replet capitulard, non. Je préfère lui trouver une discrète ressemblance avec le général von Verdy du Vernois, aide de camp du comte von Moltke, vainqueur sur ces mêmes terres des Français en 1870, et amateur – son journal de guerre en fait foi – des madeleines de Commercy. Fidèle à ses habitudes, JJ Langendorf n’arrivait pas les mains vides. Dans sa mallette m’attendaient Les dictées de la tortue [1] et Vies croisées de Victoria Ocampo et Ernest Ansermet. Correspondance 1924-1969 [2], ses deux derniers livres en date.

L. Schang

La suite de cet article dans le n° 142 du magazine Éléments, dossier « Le Socialisme contre la gauche », disponible en kiosque et sur abonnement.

Références

[1] Nouvelles, Genève, Zoé, 2005

[2] Paris, Buchet/Chastel, 2006