La guerre russo-japonaise 1904-1905

Guerre de mouvement puis de tranchées, « feu qui tue », usage intensif de la mitrailleuse, des torpilles… À maints égards, la guerre russo-japonaise de 1904-1905 offre aux correspondants occidentaux, civils et militaires, un avant-goût de la Première Guerre mondiale. L’abondante littérature qui nous est restée atteste du caractère préfigurateur de ce conflit, alors surtout jugé exotique par ses contemporains. L’histoire se souvient des cinq mois que dura le siège de Port-Arthur, d’août 1904 à janvier 1905, et de la bataille navale de Tsushima remportée par le contre-amiral Togo le 28 mai 1905. On sait l’impéritie du commandement russe, son impréparation, ses schémas tactiques obsolètes et sa lenteur à mobiliser, défaut aggravé par la faiblesse des voies de communication terrestres reliant la Russie d’Europe à Vladivostok. Si, sur le papier, la marine russe reste impressionnante, ses bateaux sont vieillissants et les équipages pèchent par leur manque de formation. On connaît moins les sacrifices endurés (déjà !) par l’armée japonaise pour précipiter l’issue d’une guerre voulue mais coûteuse, qui faillit bien ruiner l’économie du pays : 190.000 morts (16.000 morts et blessés pour la seule colline 174, 8000 pour la colline 203) entre février 1904 et août 1905, contre 240.000 côté russe*.

Les origines du conflit remontent à 1898, lorsque, dans leur progression vers le Pacifique, les Russes obtiennent un bail de vingt-cinq ans sur la péninsule de Liao-tung, également convoitée par le Japon. La Russie cherchait un débouché sur la mer Jaune, libre de glace l’hiver, qui serait raccordé au Transsibérien via la Mandchourie. Un projet en contradiction avec les visées annexionnistes du Japon, encouragées par la Grande-Bretagne, sur la Corée et la Chine. Sous l’influence de son ministre des finances Bezobravoz et contre les mises en garde du général-ministre de la guerre Kouropatkine, le tsar Nicolas II affecte d’ignorer les revendications japonaises. Les négociations menées à partir de 1902 sur le partage des zones d’influence (aux Japonais la Corée, aux Russes la Mandchourie) n’aboutissant pas, la guerre entre les deux empires devient inéluctable.

Le 5 février 1904, à 17 heures, l’ordre d’attaque est donné. La marine japonaise porte son effort principal sur Port-Arthur, où le gros de la flotte russe d’Extrême-Orient est au mouillage. Le 8, l’infanterie de marine prend pied à Chemulpo (l’actuel Incheon), là même où les forces des Nations unies commandées par le général MacArthur débarqueront en 1950, et en mars, les Japonais occupent Séoul sans combat. Sûrs de leur puissance navale, les Russes ont sous-estimé la menace que faisait peser l’invasion de la Corée sur leurs arrières. Au terme d’une campagne éprouvante où les Japonais vont faire la démonstration de leurs qualités manœuvrières, la cité mandchoue de Moukden est investie le 9 mars 1905. Sur mer, après une suite de revers que, faute d’audace, les Russes n’ont pas su exploiter, le contre-amiral Togo tend un piège mortel à son adversaire l’amiral Makarov, dont le cuirassé Petropavlovsk s’abîme dans un champ de mines le 13 avril 1905. Le coup de grâce survient le 28 mai 1905 à Tsushima, après une course qui aura conduit la malheureuse flotte russe de la Baltique du golfe de Finlande au détroit de Corée.

Signé en août 1905, le traité de Portsmouth consacre la première victoire militaire d’un Asiatique sur l’homme blanc. La Corée devient un protectorat japonais. Un bilan insuffisant aux yeux des Tokyoïtes, qui manifestent avec violence leur mécontentement plusieurs jours durant.

Après un album hommage au maréchal Leclerc, E.T.A.I. revient à l’histoire du 20e siècle avec ce très beau livre au texte clair, enrichi d’un luxe d’illustrations grand format.

L. Schang

Article précédemment paru dans La Voie Stratégique magazine n°4

La guerre russo-japonaise 1904-1905 de B. Crochet et G. Piouffre, Antony, E.T.A.I., 2010, 189 pages

*Au total, 12 divisions japonaises (1,2 million d’hommes) contre 17 corps d’armée cosaques et sibériens (600.000 hommes)