Stéphane Gaudin : « Theatrum Belli entend promouvoir le lien Nation-Armée »

gaudinDe simple blog de passionnés à ses débuts, www.theatrum-belli.com est devenu en quelques années d’activité sur la Toile le site francophone de référence dans le domaine de la sécurité-défense. Fort de son succès et sans avoir jamais renié son indépendance, « TB » apparaît aujourd’hui comme un partenaire incontournable de l’institution militaire. Retour sur le phénomène Theatrum Belli avec Stéphane Gaudin, créateur et directeur du site.

Propos recueillis par L. Schang

LP : Quelle était votre idée en lançant Theatrum Belli sur le Net ? Cette idée initiale a-t-elle évolué depuis ?

Stéphane Gaudin : Le premier but était d’aborder un sujet comme le « phénomène guerre » peu développé dans les universités. La thématique conflictuelle est un véritable « caméléon » (pour reprendre une image de Clausewitz). La dimension militaire, même si elle demeure la plus visible, n’est pas l’unique dimension, surtout dans un monde « globalisé » niant le concept d’ « ennemi » : s’y ajoute les dimensions économique, sociale, culturelle, informationnelle, mémorielle… TB a cherché à donner de la profondeur à ces différentes thématiques à travers la constitution de rubriques spécifiques. L’homme moderne est prisonnier du présent, les informations se succèdent à un rythme toujours plus rapide. Le temps court doit être complété par le temps long pour éviter l’aveuglement de l’information immédiate.

TB a fortement évolué depuis sa création, en mars 2006. Le but prochain est d’en faire le portail Défense non institutionnel français par excellence, regroupant des textes d’actualités, d’histoire, de géopolitique, sans oublier les documents audio et vidéo. TB entend également promouvoir le lien « Nation-Armée » . J’utilise ces termes dans ce sens car l’armée étant une émanation de la société civile, c’est à la société civile d’aller vers elle alors que le lien « Armée-Nation » évoque sémantiquement le sens inverse et s’apparente plus à des opérations de communication. L’opération Nuntius Belli peut être considérée comme une action de ce lien. Beaucoup d’actions sont menées par des associations d’anciens militaires (Terre-Fraternité, FNAM, FNAME, Solidarité-Défense, ONAC, CIDAN…). Ce n’est pas le cas de Nuntius Belli qui est la manifestation du soutien de la société civile envers ses soldats déployés sur des théâtres extérieurs. C’est dans cette même orientation que TB avait proposé l’année dernière qu’un soldat blessé en opération soit parrainé par une commune de France, premier « organisme de proximité » de la Nation.

La refonte en 2010 du site consacré à l’opération Daguet rentre également parfaitement dans ce cadre. Nous avions été contactés par le président de l’Amicale des Anciens de la Division Daguet, le général Yves Derville (ancien chef de corps du 2e REI durant l’opération) afin de refondre le site pour le vingtième anniversaire.

Un travail de recherche de témoignages a été entrepris en même temps que la création d’une nouvelle ergonomie dans un souci de circonscrire au maximum les dépenses. Le résultat fut plus que satisfaisant car le site originel avait recueilli 20.000 visites en dix ans que nous avons transformé en plus de 100.000 en seulement quelques mois alors que le ministère n’a pas montré beaucoup d’enthousiasme pour commémorer cette opération de projection où plus de 12.000 militaires avaient été déployés dans le Golfe.

TB prouve qu’avec peu de moyens, un travail sérieux et efficace peut être entrepris. Les extensions sont autant de vecteurs alternatifs donnant une vision complémentaire des questions de défense : La bibliothèque numérique a franchi dernièrement les quatre millions de lectures. Elle concentre plus de 450 documents qui sont utiles à des étudiants, des journalistes ou bien des chercheurs. Ici encore TB a été pionnier. Le ministère de la Défense a emboîté le pas et y dépose ses magazines (TIM, Air Actualités, Cols Bleus, Actu Santé, Médecine & Armées, Armée d’aujourd’hui…) TB a été citée par l’université Paris IV-La Sorbonne car nous propulsons les études des élèves de Sciences-Po partenaires du CESM (Centre d’Études Supérieures de la Marine). Une étude peut être ainsi lue plusieurs milliers de fois, ce qui était impensable voici cinq ou dix ans pour un étudiant. Cette notoriété engendre une réelle motivation pour l’étudiant et permet au CESM de trouver des étudiants qui peuvent se pencher sur les thématiques maritimes. Nous sommes ici dans une véritable relation synergétique qui satisfait chaque élément. L’organigramme dynamique du web défense français Retis Belli va être complété. Nous incluons en ce moment les entreprises membres du GICAT, du GIFAS et du GICAN.

NB-2012 smallLP : Il y a quelques mois, vous avez ouvert votre site à la très honorable Revue Militaire Suisse. Les raisons de ce partenariat tout neuf ? Quelles suites entendez-vous donner à TB, maintenant que le site est une référence reconnue ?

SG : Nous avions remarqué des textes très intéressants de collaborateurs comme Bernard Wicht ou Ludovic Monnerat. Comme leur site était au ralenti, nous avons demandé à son rédacteur en chef Alexandre Vautravers s’il était intéressé par une rubrique « RMS » sur TB. Il connaissait déjà notre site et a accepté immédiatement. Nous présentons ainsi des textes à la fois francophones et différenciés. Cet apport génère une pluralité de points de vue permettant au lecteur de se faire une analyse plus fine sur les problématiques européennes actuelles.

TB est devenu un formidable tremplin de rayonnement pour des organismes officiels comme le Centre d’Études Supérieures de la Marine, l’École de Guerre, la Revue Défense Nationale (TB a considérablement augmenté la visibilité de la RDN sur le Net). Avec Pascal Dupont, nous allons essayer de développer la vidéo. Nous avons fait des premiers essais avec la couverture d’Eurosatory mais c’est un vecteur qui demande des investissements (matériels, assurance, logiciels…).

Nous souhaiterions une meilleure intégration au sein de la communication de la Défense et du secteur industriel. C’est en bonne voie. TB a été accrédité par la DICOD voici quelques mois. Il est reconnu comme un média à part entière par l’institution.

LP : Comment rester indépendant tout en s’imposant comme la première plateforme d’information française dans le domaine, sensible entre tous, de la défense ?

SG : Depuis sa création, TB fonctionne uniquement sur le bénévolat. Lorsque j’avais une activité salariée, je gérais le site avant de partir travailler et en revenant. Au fur et à mesure de son développement, la charge de travail s’est considérablement accrue. Il est temps maintenant de le « professionnaliser » afin de conserver et d’intensifier la qualité du travail fourni, reconnu par les internautes car la fréquentation du site est en constante augmentation. Nous souhaiterions élaborer nos propres contenus et fédérer des énergies qui pourraient avoir plus d’impact avec le « label » TB.

C’est pourquoi nous recherchons des partenaires financiers ainsi que des annonceurs sans perdre l’identité de TB. Nous allons également créer une association qui aura pour but d’aider au développement du site et de mettre en action le lien « Nation-Armées ».

TheatrumBelli 1LP : Une ouverture à d’autres media est-elle envisageable à moyen terme ?

SG : L’ouverture majeure sera celle de la vidéo. Mais cela nécessite des investissements que nous n’avons pas pour le moment. Nous avons fait un essai avec Eurosatory 2012. C’est un énorme travail qui ne peut se faire en amateur. Nous travaillons sur ce développement avec Pascal Dupont, auteur-réalisateur et ancien du 1er RCP (avec qui nous avons lancé l’opération Nuntius Belli).

Le nouveau site disposera d’un réseau social interne qui accueillera différents groupes de discussion. Ces groupes-ateliers pourront être publics ou bien privatifs. Nous pourrons ainsi poursuivre en profondeur des sujets développés par TB ou bien ceux d’ouvrages de défense avec la participation de leurs auteurs. Je prends exemple sur la nouvelle collection « Guerres et Opinion » dirigée par le général de brigade Benoît Royal (actuellement directeur adjoint du recrutement de l’armée de terre) au sein des Éditions Economica. Des contacts positifs ont déjà été pris en ce sens.

Stéphane Gaudin en quelques mots-clés :

Historiens militaires préférés : Philippe Masson, Jean Lopez, Victor Davis Hanson, André Corvisier, Philippe Contamine, Jacques Benoist-Méchin, Yann Le Bohec…

Militaires préférés : je dirais le spartiate Brasidas qui est à mes yeux peut être considéré comme un archétype du combattant européen.

Projets : partir en janvier à Kaboul pour un reportage photos sur les derniers soldats français.

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